La présomption de la responsabilité civile décennale est déterminée par la gravité des désordres dans la sphère d’intervention du constructeur, indépendamment de leur cause et cette présomption doit être écartée uniquement lorsque les désordres ne sont pas imputables aux travaux réalisés par l’entrepreneur.
I –
Un maître d’ouvrage a confié des travaux d’électricité pour la construction d’une maison d’habitation.
L’entrepreneur était assuré au titre de la responsabilité civile décennale.
La réception des travaux est intervenue le 31 juillet 2014.
La maison a malheureusement été détruite par un incendie le 9 décembre 2014, soit environ cinq mois après la réception des travaux.
II –
Après expertise judiciaire, le maître d’ouvrage et son assureur habitation ont assigné l’entrepreneur et son assureur en indemnisation sur le fondement de la responsabilité décennale eu égard à la gravité des désordres.
Par arrêt en date du 7 novembre 2023, la Cour d’appel de Toulouse a écarté la responsabilité décennale de l’entrepreneur, considérant que si le sinistre avait pris naissance dans le tableau électrique, il n’était pas démontré avec certitude qu’il était en lien avec un vice de construction, l’expert n’ayant pu faire de constatations techniques suffisantes en raison de l’état de dégradation du tableau.
III –
Un pourvoi en cassation a été formé par le maître d’ouvrage et son assureur.
Sans grand étonnement, la Haute Juridiction a cassé l’arrêt d’appel au visa des dispositions de l’article 1792 du Code Civil.
La Cour de cassation rappelle que selon l’article 1792 du code civil, tout constructeur est responsable de plein droit envers le maître d’ouvrage des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, sauf s’il prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.
La Cour précise que cette présomption de responsabilité est déterminée par la gravité des désordres dans la sphère d’intervention du constructeur, indépendamment de leur cause (Cass., 3e Civ., 1er décembre 1999) et cette présomption doit être écartée uniquement lorsque les désordres ne sont pas imputables aux travaux réalisés par l’entrepreneur (Cass., 3e Civ., 20 mai 2015).
La Cour reprend donc deux principes essentiels :
- Concernant le lien d’imputabilité, il suffit au maître de l’ouvrage d’établir qu’il ne peut être exclu que les désordres soient en lien avec la sphère d’intervention du constructeur : la faute du constructeur n’a pas à être démontrée
- Une fois l’imputabilité établie, la présomption de responsabilité ne peut être écartée au motif que la cause des désordres reste incertaine ou inconnue, le constructeur ne pouvant s’exonérer qu’en démontrant une cause étrangère.
Au cas d’espèce, le sinistre incendie résultait des travaux d’électricité réalisés par l’entreprise qui doit voir sa responsabilité civile décennale engagée peu important que l’expert n’avait pu faire de constatations techniques suffisantes en raison de l’état de dégradation du tableau électrique.
Cour de Cassation 3ème Chambre Civile – 11 septembre 2025 – Pourvoi n° 24-10.139