Droit de la construction

Application de pénalités de retard dans le cadre d’un marché de travaux de construction privé : un rappel non négligeable pour les particuliers et entreprises.

I – La contractualisation des pénalités de retard

 I – 1. Leur rôle

Il n’est pas rare lorsqu’un particulier (un maître d’ouvrage) fait appel à une entreprise de construction pour procéder à la réalisation de travaux que le contrat régularisé prévoie l’application de pénalités en cas de retard dans l’exécution des travaux.

Ces pénalités sont même obligatoirement prévues dans le cadre des contrats de construction de maisons individuelles selon l’article L.231-2 du code de la construction et de l’habitation. (CCMI)

Elles correspondent généralement à un pourcentage du montant du marché appliqué par jour calendaire de retard et ont pour objet d’obliger l’entreprise à réaliser les travaux qui lui ont été confiés dans le délai contractuellement prévu et réparer le préjudice subi par le maître d’ouvrage en cas de retard.

I – 2. Des pénalités plafonnées ?

Le montant de ces pénalités peut être plafonné sans pour autant qu’il s’agisse d’une obligation.

Si un plafonnement est prévu, le montant du plafonnement est libre.

Il convient de préciser que si le contrat fait expressément référence à la norme AFNOR NFP03-001, les pénalités seront plafonnées à hauteur de 5% du montant du marché de travaux.

Si aucun plafonnement n’est prévu dans le contrat et s’il n’est pas fait expressément référence à la norme AFNOR NFP03-001, le montant des pénalités de retard peut très rapidement être conséquent, ce qui sera très favorable pour le maître d’ouvrage et dangereux pour l’entreprise intervenante.

En outre, si un retard dans l’exécution des travaux est constaté, comment mettre en œuvre les pénalités de retard ?

II – Sur la mise en œuvre des pénalités de retard

Il est fréquemment prévu dans les contrats de travaux l’application des pénalités de retard de plein droit, sans mise en demeure préalable.

Les pénalités sont donc dues sans que le maître d’ouvrage adresse une mise en demeure à l’entreprise tendant notamment à l’exécution des travaux contractuellement prévus.

À défaut de précision en ce sens dans le contrat, en application de l’article 1231-5 du Code civil, sauf inexécution définitive, les pénalités de retard ne pourront être réclamées que lorsque le débiteur, c’est à dire l’entreprise de construction, est mis en demeure.

La mise en œuvre des pénalités de retard est donc chose aisée et peut s’avérer très favorable pour le maître d’ouvrage.

Cependant, l’entreprise intervenante dispose de moyens pour limiter l’application de ces pénalités mais encore faut-il que des conditions bien particulières soient réunies.

III – La possible modération du montant des pénalités de retard.

S’agissant d’un contrat par lequel les parties se sont accordées pour que des pénalités de retard soient contractuellement prévues, il semble de prime abord délicat d’écarter l’application de cette clause.

Sur ce point, la Cour de cassation a rendu une décision récente (Cass. 3e civ., 14 mai 2020, n° 19-13.355), rappelant la force obligatoire du contrat de marché de travaux régularisé entre les parties, et donc de la clause relative à l’application des pénalités de retard.  

Cependant, le Juge dispose d’un pouvoir modérateur quant au montant des pénalités applicables et ce en application de l’article 1231-5 du Code Civil qui dispose que le Juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

De même, l’alinéa suivant de cet article précise que lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent.

Le Juge pourra donc modérer le montant des pénalités de retard s’il est démontré une disproportion manifeste entre leur application et le préjudice réellement subi par le maître d’ouvrage du fait du retard dans l’exécution des travaux. (par exemple un montant de pénalités de retard qui dépasse le montant HT des travaux).

Ces dispositions législatives permettent à l’entreprise, si les conditions sont remplies, d’échapper à une sanction trop lourde qui pourrait avoir des conséquences sur sa santé financière, et notamment en l’absence de plafonnement des pénalités prévues au contrat.

Des ajustements ont par ailleurs été mis en œuvre par le Gouvernement du fait de la crise sanitaire.

IV – Pénalités de retard et Covid

Les difficultés sanitaires sont toujours d’actualité en cette fin d’année 2020 mais l’activité du bâtiment doit se poursuivre selon les dernières annonces du Gouvernement.

La situation diffère donc de la première vague et du premier confinement.

Lors de cette période, par voie d’ordonnance, le Gouvernement avait instauré une période juridiquement protégée allant du 12 mars au 23 juin 2020 à minuit.

Deux cas de figures sont à distinguer concernant l’application des pénalités de retard selon les ordonnances  du 25 mars (n° 2020-306) et du 15 avril 2020 (n°2020-427).

  • Une obligation née avant le 12 mars 2020 mais qui arrive à échéance entre le 12 mars et le 23 juin 2020 minuit

Dans cette hypothèse, la date à laquelle les pénalités prendront cours et les sanctions produiront leurs effets à compter du 24 juin, d’une durée égale à celle allant du 12 mars 2020 à la date à laquelle l’obligation aurait dû être exécutée.

Pour être plus claire, si l’échéance arrivait le 22 mars, dix jours après le début de la période juridiquement protégée, la clause pénale produirait effet, si l’obligation n’est pas exécutée, 10 jours après la fin de la période protégée.

  • Une obligation née après le 12 mars mais qui arrive à échéance avant le 23 juin 2020 minuit

Dans cette situation, les pénalités prennent cours et les sanctions voient leurs effets reportés, toujours à compter du 24 juin, d’une durée égale à celle allant entre de la date de naissance de l’obligation et la date à laquelle l’obligation aurait dû être exécutée.

De nouveau, et afin d’y voir plus clair, si l’obligation en question est née le 1er avril et que les pénalités de retards devaient prendre effet le 15 avril, ce délai de 15 jours sera reporté à compter du 24 juin.

V – Conclusion

En conclusion, la contractualisation des pénalités de retard dans le cadre d’un marché privé entre un particulier et une entreprise de construction permet au maître d’ouvrage de solliciter une indemnisation en cas de dépassement du délai fixé par les parties pour la réalisation des travaux.

L’entreprise peut cependant solliciter du Juge une modération du montant des pénalités en cas de disproportion manifeste entre leur application et le préjudice réellement subi par le maître d’ouvrage.

Il convient pour les parties de se référer aux termes du contrat régularisé pour faire valoir leurs droits en cas de retard dans l’exécution des travaux en prenant soin de vérifier si la date contractuellement prévue pour leur achèvement des travaux était fixée lors de la période juridiquement protégée.

Je reste à votre disposition pour toute précision complémentaire.

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000041755644/2020-11-11/

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041800899/

Marion Mabriez, Avocat au Barreau de Lille

Marion Mabriez

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